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La puérilité de Google+

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La page d'accueil de l'application Google+ sous Android (capture du 26 novembre 2011).

La page d'accueil de l'application Google+ pour Android (capture du 26 novembre 2011).

La forme du réseau social de Google ouvert il y a cinq mois peut surprendre : l’interface graphique de Google+ ressemble à un jeu pour enfant alors qu’un mineur ne peut y créer un compte. Ce billet explique en quoi l’interface de Google+ est puérile et tente de cerner les possibles causes d’un tel parti.
(7/10/2012 : ce billet fait allusion à une interface graphique qui a sensiblement évolué.)

+Réseau social ou +Jeu d’éveil ?

L’interface graphique de  Google+ (ou Google Plus) a un style délibérément enfantin. Nous le devons largement aux “icones” utilisées pour désigner certaines grandes fonctions du réseau social [1]. En effet, ces icones (se référer à la capture ci-dessus) :

  • convoquent des figures assez basiques et rondouillardes : la combinaison carré-triangle de la maison abritant une liste à puces (icone “Flux”), la combinaison rectangle-triangle inversé de la “bulle” verte (icone “Chat +”), la combinaison carré-triangle des Polaroids (icone “Photos”), le cercle unique du “profil” ou démultiplié des “Cercles”, etc. On peut remarquer que les angles ou les extrémités sont très souvent arrondis ;
  • ont des couleurs primaires (avec quelques touches de noir), traitées en à-plat ;
  • ont des motifs qui relèvent habituellement d’une iconographie réalisée par ou pour les jeunes : la classique maison bi-pente avec sa cheminée ; le(s) phylactère(s) de bande dessinée ; les cercles pouvant faire penser, compte tenu de la nature des icones environnantes, à des cerceaux, à des bulles de savon ou encore à des graphiques tracés au tableau.

S’agissant des Polaroids de l’icone “Photos” (qui n’est pas si anachronique), on se souviendra que leur naissance a pour origine, selon la légende, la frustration exprimée par la fille de l’inventeur Edwin Land, alors âgée de quatre ans.

Ce registre et ce style infantiles sont à bien distinguer du caractère épuré des icones, qui vise à assurer leur lisibilité même lorsqu’elles sont reproduites en très petites dimensions. À propos de dimensions, la taille importante de ces icones lorsqu’on arrive sur la page d’accueil de l’application Google+ pour Android (ci-dessus) ou sur la page de connexion lorsqu’on utilise un navigateur web (ci-dessous) contribue à conférer dès l’accès à ce réseau social un style enfantin.

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Capture de la page d'accueil de la version web de Google+ (détail, à gauche du pavé de connexion ; capture du 26 novembre 2011).

Capture de la page de connexion de la version web de Google+ (détail, à gauche du pavé de connexion ; capture du 26 novembre 2011).

S’ajoute à cela le caractère ludique voire puéril de certains autres détails de l’interface : le “cercle” de contacts qui tombe et roule latéralement lorsqu’on le supprime (voir cette vidéo, entre 0′55” et 1′) ; ou encore le bouton de publication qui représente un avion en papier sur l’application Android :

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Page "Créer un post" sur l'application Google+ pour Android. Dans la partie supérieure droite apparait le bouton d'envoi en forme d'avion en papier schématisé (détail, capture du 26 novembre 2011).

Page "Créer un post" sur l'application Google+ pour Android. Dans la partie supérieure droite apparait le bouton d'envoi en forme d'avion en papier schématisé (détail, version 2.1.1.219805, capture du 26 novembre 2011).

Nous pouvons donc observer sur Google+ des choix d’interface assez différents de l’intérieur de la tête de Mark Zuckerberg. Ces choix peuvent surprendre, car les conditions d’utilisation de Google+ précisent que les mineurs ne peuvent pas se créer un compte (“Vous ne pouvez pas utiliser les Services ni accepter les Conditions si [...] vous n’avez pas atteint l’âge légal de la majorité pour conclure un contrat avec Google”), ce qui peut légitimement être perçu comme un paradoxe. Quelles peuvent être les raisons d’un tel parti ?

Beaucoup de “be puerile” pour réaffirmer le “don’t be evil” ?

Google+ a été présenté par Vic Gundotra, vice-président en charge du social chez Google, comme “une extension de Google(“an extension of Google itself”). Ceci pourrait suffire à justifier que Google nous propose de nous immerger un peu plus avant dans un univers assez caractéristique de son image officielle, urbi et orbi. Les couleurs vives font de longue date partie de l’identité graphique de Google, notamment à travers son logo. “Esthétiquement, c’est du Google tout craché” semble confirmer Ben Parr (Mashable), à propos du design de Google+.

En lien avec cet “ADN graphique” de Google, son souci constant de la simplicité d’accès et d’utilisation de ses produits. Sans grande surprise, la facilité (effortlessness) figure au nombre des trois axes majeurs du renouveau du design des interfaces de Google initié cet été, dans le sillage du lancement de Google+. Google a clairement souhaité renforcer une impression de facilité par la convocation d’un graphisme infantile.

Cet aspect infantile de Google+ n’est pas sans rappeler, dans le “vrai monde”, les locaux parfois très enviés des employés de Google, de Californie jusqu’en Chine, qui font partie de son image. Ces aménagements seraient conçus selon certains pour “rendre les ingénieurs heureux” ; pour d’autres, il s’agirait d’un des aspects d’une forme d’infantilisation organisée, qui aurait pour intérêt de limiter le nombre des départs.

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Le menu déroulant "Occupation" sur l'annuaire "Findpeopleonplus" (détail, capture du 28 novembre 2011). Les photographes, graphistes et autres designers sont très présents.

Le menu déroulant "Occupation" sur l'annuaire "Findpeopleonplus" (détail, capture du 28 novembre 2011). Les photographes, graphistes et autres designers sont très présents.

Cette puérilité formelle peut avoir également pour origine une autre intention, à rapprocher du fameux slogan “don’t be evil!” : rassurer, alors que Google n’en finit pas d’étendre son empire numérique, entre autres avec le lancement Google+. Le lecteur trouvera dans le documentaire “Inside Google” (2010) un symptôme assez récent des craintes et polémiques qui entourent l’activité de Google. Le concours d’un ancien d’Apple, Andy Hertzfeld, peut avoir pour but de conjurer par la “magie” du design la dégradation de la réputation de Google au fil des dernières années.

Ma position est assez partagée. Côté “moins”, il demeure que suite à un travail graphique inhabituel à Mountain View, Google+ donne l’impression qu’on prend les internautes pour des enfants ou qu’on cherche à les infantiliser [2]. Nous pourrions même entrevoir dans cette puérilité le signe d’une stratégie de développement de la dépendance des utilisateurs vis-à-vis de Google, assimilable à la stratégie qu’on soupçonne parfois Google d’adopter à l’égard de ses employés.

Côté “plus”, je trouve fort appréciable que Google+ ne se présente pas comme une application professionnelle, grâce à son look, si puéril soit-il. En misant à ce point sur le design, un effort sans doute sous-estimé au profit des fameux “cercles”, Google+ se positionne face à Facebook sensiblement comme le Macintosh face au “PC” (voilà peut-être de quoi contribuer à expliquer son succès auprès des photographes ou des graphistes, notamment).  Ces choix graphiques assimilent le réseau social au domicile, aux loisirs en famille ou entre amis ou — plus secondairement — à l’école, alors que l’interface du concurrent aux 800 millions d’utilisateurs était à la fois plus austère et bien plus neutre. Enfin, si la comparaison d’un réseau social avec un jeu vidéo en ligne me semble devenue plus pertinente encore depuis Google+, le rappel du fait que les pratiques vidéoludiques sont de plus en plus le fait d’adultes ne l’est pas moins. Toutefois, un réseau social n’est pas exactement un jeu ; c’est là une leçon de Facebook qu’il s’agit de ne pas oublier trop vite en entrant dans le décor de Google+.

Dans cette publicité télévisée pour Google+, nous pouvons constater à quel point Google fait conjointement la promotion d’une interface et de comportements puérils d’adultes, grimaces et peluches à l’appui [3] :

Cliquer ici pour voir la vidéo. Note(s) :
  1. Ces icones ne sont pas rigoureusement les mêmes selon qu’on utilise une application pour terminal mobile ou un navigateur web.
  2. Remarquons au passage que la tendance à s’adresser à une cible en nivelant par le (trop) bas la forme ou le fond est loin d’être circonscrite à Google actuellement encore.
  3. Dans la version initiale de ce billet, quelques heures plus tôt, la vidéo était simplement mentionnée en note de bas de page.

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